25 novembre 2007

Nourrir des pauvres sur internet

Une invitation à jouer à un nouveau jeu a échoué dans ma boite mail ce matin. Le jeu s'appelle Freerice et il paraît que c'est très connu parce que c'est un volet du World Food Program des Nations Unies.

Sans sourciller je me précipite sur le site et après avoir déchiffré quelques phrases en langue universelle, je comprend que l'objet de ce jeu c'est... les pauvres. "Cool!" me dis-je "un nouveau jeu sur la sous-nutrition! Je vais encore pouvoir affamer quelques pauvres, parce que, mouahaha, moi je suis nul en synonymes, et je vous parle pas de mon anglais, je vais bien me marrer."

Le but du jeu, faut que jvous explique, c'est de deviner la signification de mots obscurs en choisissant un synonyme parmi d'autres. A chaque bonne réponse, tu gagnes 10 grains de riz pour les pauvres. Parfait quoi. Un truc hypocrite comme je les adore, avec un concept béton : "venez vous amusez à nourrir un pauvre sans bouger de votre ibook"

Et pis en farfouillant un peu dans le pourquoi de ce jeu révolutionnaire, je découvre qu'en fait c'est très sérieux. Ils parlent de sponsoring, avec des gens plein d'argent qui acceptent gracieusement de verser quelques deniers pour faire apparaître leur logo sur le site et financer ainsi les grains de riz (décision validée en conseil d'administration sous l'intitulé "consolidation de la stratégie d'ouverture en vue d'un repositionnement de la marque sur les publics alter"). Ils parlent d'apprentissage équitable (parce que, bien sûr, savoir bien parler anglais c'est une condition pour devenir blanc et riche, encore faut-il pouvoir se payer le dictionnaire qui va avec). Et -comble- j'apprend, texto que ce jeu "pourrait vous rendre plus intelligent".

Même la littérature numérique salue l'initiative. Un moyen innovant de récolter des fonds sur internet, qu'ils disent (avec une vieille odeur de "c'est déjà ça"). Seul Le Point évoque une éthique "douteuse" qui donnerait "bonne conscience sans demander d'argent", avant de se reprendre de justesse en envisageant cette initiative comme une "une solution [potentielle] pour l'avenir de la solidarité mondiale".

Alors là j'ai dit stop. Si c'est sérieux, si y'a même plus moyen de s'amuser avec des pauvres sur internet, je préfère militer pour la défense de la PAC. Au moins ça c'est clair.

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© vinSouth